"L’initiative Red Team a été décidée à l’été 2019 par l’Agence de l’innovation de Défense (AID) avec l’Etat-major des armées (EMA), la Direction générale de l’armement (DGA) et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) dans le cadre du Document d’orientation de l’innovation de Défense.
La mission de la Red Team se veut ambitieuse : composée d’auteur(e)s et de scénaristes de science-fiction travaillant étroitement avec des experts scientifiques et militaires, elle a pour but d’imaginer les menaces pouvant directement mettre en danger la France et ses intérêts. Elle doit notamment permettre d’anticiper les aspects technologiques, économiques, sociétaux et environnementaux de l’avenir qui pourraient engendrer des potentiels de conflictualités à horizon 2030 - 2060.
Initiative bâtie selon des principes d’ouverture et d’approche multiculturelle, la Red Team s’inscrit en complémentarité des méthodes actuelles en matière de prospective. Les travaux pour partie classifiés auront pour objectif de nourrir les réflexions stratégiques, opérationnelles, technologiques et organisationnelles des armées, mais également d’acteurs extérieurs au ministère. La Red Team mettra en œuvre un processus structuré et itératif favorisant l’intuition et la créativité. Elle fera se confronter aux savoirs militaires, la science-fiction, la recherche scientifique pluridisciplinaire et les arts."
Ce sont les propos introductifs que vous trouverez sur le site dédié à cette collaboration d'un nouveau genre, qui en est déjà à sa quatrième saison.
Je trouve l'initiative fascinante. Elle tend à reconnaître les apports potentiellement prédictifs et visionnaires des auteurs, et à démontrer l'utilité de l'imaginaire et de la créativité.
Mais j'avoue avoir aussi quelques réserves. D'une part, je préfèrerais voir des Red Teams bourgeonner dans les secteurs de l'industrie, du commerce ou de la finance, pour les aider à prendre conscience de l'impact de leurs activités sur l'avenir de notre civilisation et de son environnement, plutôt que dans le secteur militaire. D'autre part, l'initiative est à double tranchant : l'imaginaire peut être utilisé à bon escient pour prévenir des dangers, tout comme il peut être récupéré à des fins de concrétisation. George Orwell et HG Wells ont-ils "vu" l'évolution de notre modèle sociétal, ou ce dernier s'est-il inspiré de leurs craintes pour passer du statut de probabilité à celui de réalité ? Nous ne le saurons sans doute jamais.
Quoi qu'il en soit, il est encourageant de constater qu'une institution aussi sérieuse et exigeante que la DGA s'entoure d'auteurs pour travailler. Le métier avait bien besoin de voir son utilité crédibilisée. J'espère que d'autres secteurs sauront se montrer aussi ouverts et innovants pour se projeter, et évoluer dans le sens de la pérennité globale.