Ils me font penser à des parrains, magnanimes et bienveillants. Alignés le long du sentier qui s’étire à leurs pieds, ils me contemplent de leur ancestrale altitude, m’enveloppent de leur immuable robustesse, rouvrant la voie vers mon imaginaire appauvri ou perdu.Je les aime, je ne peux l’expliquer. Ils m’inspirent et me font respirer, ils m’accompagnent sans bouger. Je les écoute et, parfois, lorsque mon tumulte intérieur accepte enfin de se calmer, j’entends leur pureté bruisser jusque dans mon esprit. Le moindre de mes atomes frémit alors de concert, en une vibration unanime qu’aucun mot n’a l’envergure de traduire.
C’est prendre un bain d’ondes que de marcher en forêt. Un courant ondoyant, invisible et pourtant si prégnant, emplit l’espace et le transforme en sas. Plus de voitures, plus de cris. Le chant du vent et des oiseaux. Plus d’industrie ou de téléphonie. La magie pure d’une nature affectueuse, dont l’essence même est la Vie.
Marcher en forêt, c’est retrouver ses racines. Les vraies, les unanimes, celles dont nous dépendons tous et qui sous-tendent notre présent comme notre avenir. Celles qui nous ancrent sur cette planète aussi sûrement que l’encre arrime l’auteur au monde pour mieux le raconter. Marcher en forêt regonfle l’intégralité d’un conteur, parce que c’est là que ses ressources sont stockées.
Une fois sortie du bain, gorgée d’une sève nouvelle et d’un puissant souffle d’oxygène, mon pas est à la fois plus lourd et plus léger. Plus lourd car réancré, plus léger car libéré. De retour à mon bureau, je m’enferme à nouveau entre mes quatre murs, mais je ne me sens plus prisonnière. Car il me suffit de respirer pour déferler, faire bruire les feuilles de mes pensées, et confier à travers des histoires ce que la forêt m’a susurré.