Parcours

Vous avez du temps à tuer ? Voici mon histoire...

J'ai toujours eu des doigts d'encre

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours écrit et raconté des histoires. J'ai noirci des dizaines de cahiers, baladé mes camarades dans des mondes insensés, consacré la moitié de mon temps seule dans ma chambre, assise à mon bureau, mes pieds battant l'air pour éviter de toucher terre. L'autre moitié, je la passais à jouer avec mon petit frère, qui me laissait docilement donner vie à mon imaginaire.

Je ne m'ennuyais jamais. Des univers m'habitaient. A cette époque, je n'avais pas conscience de ce qu'ils représentaient "réellement". Ils constituaient simplement des terrains de jeux complémentaires, un moyen d'être, avoir, vivre et agir, sans risques ni conséquences. Incarner qui je voulais, donner vie à ce que je voulais, créer des mondes et les défaire, savourer des aventures palpitantes. Tout était possible, modifiable, et infini.

Mes parents ne se sont jamais intéressés à mes gribouillis. Mes institutrices, si. En fin d'école primaire, l'une d'elles m'a demandé si j'accepterais de lui offrir mes cahiers. Submergée par la fierté, j'ai accepté. J'avoue que je le regrette un peu aujourd'hui... je me serais bien relue, "histoire" d'évaluer le chemin parcouru.

Parcours petite fille

J'ai toujours voulu être plumée

A l'adolescence, les choses sont devenues très claires. Je vivrai plumée, ou prisonnière d'un monde qui n'était pas le mien. La grande époque des magnétoscopes a balayé les livres de mes étagères pour céder la place aux cassettes vidéo. Le cinéma était désormais ma nouvelle passion, le métier de scénariste ma nouvelle obsession, les réalisateurs américains mes mentors. Scorcese, Coppola, Spielberg... Piégée dans ma petite ville de province, je rêvais d'écrire des histoires qui prendraient vie sur un écran. Je voulais faire partie de ce monde hollywoodien ultra créatif, ultra émotionnel, ultra impactant et y apporter ma propre contribution.

Nantie d'une machine à écrire électronique offerte pour mes seize ans, j'ai troqué mes contes d'enfants pour des histoires à fort potentiel visuel. C'est d'ailleurs à cet âge que j'ai écrit la première version des Enfants de Pangée... Je l'ignorais encore, mais mon imaginaire allait causer ma perte. Avant-gardiste, ambitieux, genré (fantastique, action...) absolument pas en phase avec mon époque... et encore moins mon continent.

J'ai passé un concours pour partir étudier à l'Université cinématographique de Los Angeles, et j'ai été reçue. Mais la vie aime les croche-pieds et les virages forcés. Il m'a fallu changer mes plans. Adepte des pieds de nez, j'ai décidé de la prendre à revers. En intégrant CINE SUP à Nantes, je pensais bien faire, persuadée que j'y trouverais le moyen de parvenir à mes fins. Mais l'évidence s'est vite imposée à moi : écrire en France, pour la France, façon France, ne me comblerait pas. Loin de là.

La rêveuse a déposé la plume et désencré ses doigts.

Parcours cinema

J'ai fini par m'ancrer

Durant la décennie qui a suivi, j'ai accepté une autre vie, loin de mes rêves et de mes envies. J'ai décroché un DEUG de droit, me suis embarquée dans un BTS immobilier par alternance pour des questions de finances, ai commencé à travailler... Sans jamais cesser d'écrire. Les histoires sont devenues mon échappatoire, mon exutoire, mon refuge. C'était pathétique, mais c'était pratique. 

Et puis Internet est arrivé. Ouvrant tout grand les vannes du possible, annihilant les contraintes de l'espace, mettant un terme à mon apathie. Plus besoin de vivre à Paris pour développer un réseau et faire lire mes écrits. Il me suffisait d'apprendre à maîtriser les nouveaux outils pour réintégrer la partie.

J'ai saisi l'opportunité d'un licenciement économique et d'un changement de vie personnelle pour me donner une seconde chance. Deux ans pour me faire connaître, convaincre, percer et devenir enfin ce que je pensais être. Miser l'intégralité de mon temps et de mon énergie sur ce qui m'avait toujours fondée. En lieu et place de deux ans, c'est finalement une décennie que j'ai consacrée à ma lubie.

Cinq romans (dont un à choix multiples qui n'est plus publié), une dizaine de bibles de série TV, cinq longs-métrages... Je me suis noyée dans l'hyperproductivité, la foi, l'espoir et la pugnacité. Je suis devenue auteure dans l'âme et jusqu'au bout des doigts. Mais être et vouloir ne suffit pas. Aucun de mes projets audiovisuels n'est parvenu à passer les plafonds de verre de la diffusion ou de la distribution, et aucun de mes livres n'a connu un succès suffisant pour me permettre de me consacrer pleinement aux suivants. Vivre de sa plume est réservé aux talentueux et aux chanceux. Peut-être ne suis-je aucun des deux.

Aujourd'hui, ancrée de force dans une réalité prosaïque, je suis prise entre deux mondes. Le ressac de mon imaginaire réprimé par le clapotis de mon présent, l'appel du large et du grand air dompté par le manque d'énergie et de temps. J'ai l'impression d'être revenue en arrière... mais en ayant malgré tout fait quelques pas en avant. J'ignore ce que les décennies à venir me réservent, mais les dernières m'auront au moins permis de gagner une vérité : j'aurai essayé.

Parcours bateau
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